credit photo Mick Shenton
credit photo Yasuaki Kitagawa
Filicineae - Léa Babazanges & Isaak Rensing - credit photo Anthony Girardi pour Sinople
- Léa, est-ce que tu peux nous paler un peu du processus et de la manière dont tu as créé ces magnifiques œuvres d'art ? Ton approche est-elle plutôt expérimentale ou as-tu déjà quelque chose en tête avant de te mettre au travail ?
 
C'est très expérimental, oui, ce sont des expériences directes sur la matière. Mais une fois les particularités du matériau apprivoisées, il faut mettre en place un processus qui permette de rendre compte au public de ces merveilleux échanges que j'ai eu la chance de vivre au sein de l'atelier. C'est alors un travail précis et rigoureux qui commence, pour que mon action soit le moins visible possible afin de mettre en valeur la beauté de la matière. Voici l'histoire d'Optiques :
 
Au départ, il y a l’œuvre Cristaux réalisée en 2012, qui est un tableau minéral qui génère une intense réflexion de la lumière en éclats argentés. Pour mettre en valeur le dessin de la calcite, j’ai conçu un dispositif particulier. Dans un immeuble voué à la démolition, un espace est transformé en camera obscura, avec une grande lentille, provenant d’une usine, insérée dans le mur. Les cristaux sont traversés par la lumière d’un projecteur d’opéra, formant un dessin de lumière. Les Optiques sont les photographies de Cristaux prises à travers cette grande lentille optique.
 
Entre l’aléatoire et le prédéterminé, la forme dite dendritique des cristaux et ses arborescences sont des dessins que l’on retrouve dans la nature. Ils sont l’empreinte de l’eau, la trace du liquide qui a formé la matière. Les douze photographies rappellent la forme des outils d’observation du réel qui échappe par sa dimension à l'œil humain, comme les lunettes astronomiques ou les boîtes de Pétri. L’échelle de l’objet photographié semble indéterminée, tout comme la nature de l’objet minéral, graphiquement proche du végétal. Cette indécision permet de mieux comprendre l’interdépendance des règnes et des formes dans l’univers.
- Léa... quelle a été ta réaction lorsque Christine t'a contactée pour utiliser votre œuvre ?
 
Lorsque Christine m'a demandé Optiques pour son prochain album de piano, j'ai ressenti une grande joie qui s'est manifestée par un grand silence. Je l'écoutais parler sans rien dire, en savourant cet enthousiasme se propager dans tout mon buste. Elle m'expliquait que ce sera du piano et non des ondes martenot, que je pourrais décider une fois que j'aurais écouté les morceaux. Ce qu'elle ne savait pas, c'est que j'aime profondément et intimement le piano. Ce que je ne savais pas, c'est que j'allais aimer Pluie d'arbres autant qu'un concerto de Beethoven.
 

- Christine... une fois que Léa a donné son accord pour que ses œuvres soient utilisées sur Éclats, quelles ont été les étapes suivantes ? Il y a plusieurs œuvres d'art utilisées, comment avez-vous décidé des œuvres à utiliser et de la manière de les mettre en page ?
 
Pour le choix de la couverture, mon choix s'est assez vite porté sur cette optique en particulier. Mais après, pour la mise en page du reste de l'album, Mathieu m'a beaucoup aidé (tout comme pour le choix des morceaux et leurs enchaînements d'ailleurs..) Nous avons essayé pas mal de choses différentes pour l'intérieur du CD et l'arrière de la pochette. Ce qui a été compliqué je crois, c'était de faire dialoguer les 12 Optiques de Léa avec les 12 titres de l'album. Ainsi que le choix des 2 optiques à l'intérieur, sachant qu'elles étaient toutes vraiment très belles... Après quelques échanges et précisions avec Léa, nous sommes tombés d'accord tous les trois.
- Christine, peux-tu nous raconter comment tu as découvert le travail de Léa et comment tu l'as contactée pour utiliser ses oeuvres pour ton nouveau disque Éclats ?
 
C'est une histoire de rencontres. Avec Mathieu Gabry (Snowdrops), nous avons ensemble depuis plusieurs années notre studio / espace de répétition dans une zone d'art où sont regroupés de nombreux artistes, pour la plupart des peintres, dessinateurs ou photographes. Nous avons la chance d'être face aux locaux de d'une équipe très attachante de "Maîtres d'art" carrossiers, et restaurateurs de véhicules de collection, HH Services.
 
Depuis toute petite, je suis fascinée par les vieilles voitures, les voitures de course et de collection (DS décapotable, Jaguar Type E...) Pendant une période, mon papa était ingénieur chez Bugatti... Étant un peu réservée et "sauvage", j'ai mis du temps à approcher cette belle équipe et la première personne à qui j'ai parlé était Isaak Rensing, le compagnon de Léa Barbazanges. Nous avons parlé de fleurs sauvages comestibles et Isaak en connaissait et en avait planté beaucoup autour de leur atelier.
 
C'est plus tard, en rentrant dans leur atelier pour lui parler que j'ai découvert une pièce d'art que Léa et Isaak venaient de créer ensemble, en alliant leur talent et savoir-faire. Cette pièce devait plus tard être présentée pour un concours. Je suis restée bouche-bée, fascinée par la beauté de cette pièce. Du coup, j'ai posé beaucoup de questions sur Léa et Isaak m'a montré d'autres œuvres qu'elle avait réalisées en photo. Je suis tombée en amour avec son univers, la délicatesse des œuvres et également les textures, et notamment l'évocation du végétal très présente dans son travail. Puis, j'ai découvert ses optiques que j'ai trouvé magnifiques et c'était aussi un fameux hasard qu'il y en ait 12, tout comme les 12 morceaux de piano de mon album. J'ai attendu pas mal de temps avant d'oser lui proposer une collaboration et j'ai été plus que ravie qu'elle accepte.
A propos de Éclats (Piano Works)
Une conversation avec Léa Barbazanges (artiste)
et Christine Ott (compostrice, pianiste)
Interview par Richard Knox (Gizeh Records)
https://gizehrecords.com/blogs/news
Ici la traduction française :