Le futur est dans le passé. Quasi un siècle depuis leur invention par Maurice Martenot en France au début des années 1920, les Ondes Martenot ont bousculé la musique contemporaine en invitant les fées électricité et électronique au bal des instruments (alors acoustiques) du répertoire. Vestiges d’une époque charnière dans la découverte de nouveaux outils sonores, méconnues du grand public a contrario du Thérémine, les Ondes Martenot constituent pourtant l’un des tout premiers synthétiseurs monophonique et expérimental de l’histoire, associant l’électronique et la mécanique à une lutherie d’art : un instrument d’exception offrant à ses très rares ondistes une infinité de timbres, de textures et de recherches sonores.
Consacrées par les compositeurs d’avant-garde Olivier Messiaen, Edgard Varèse, André Jolivet ou Bernard Parmegiani, les vibrations mystérieuses et sensibles des Ondes Martenot ont transhumé au long du XXème siècle dans les musiques populaires (Tom Waits, Radiohead, Daft Punk...) comme au cinéma. Présentes sur de nombreux enregistrements du répertoire classique / contemporain, patrimoine français ayant échappé de peu à l’oubli à la mort de leur inventeur en 1980, les Ondes Martenot n’avaient jusqu’à aujourd’hui jamais été utilisées en solo sur la globalité d’un album de musique actuelle.
Chimères (pour Ondes Martenot) est né de ce désir de NAHAL Recordings et de Christine Ott (ondiste virtuose, multi-instrumentiste et compositrice) de proposer un album sans précédent, entièrement conçu à l’aide de ses seules Ondes Martenot. Si Christine Ott a souvent accompagné d’autres musiciens de ses Ondes (Yann Tiersen, Tindersticks, Jean-Philippe Goude...), c’est la première fois qu’elle décide de placer son étrange instrument au centre de ses compositions, confiant la production musicale à Paul Régimbeau (Mondkopf) et Frédéric D. Oberland (Oiseaux-Tempête) manipulant en direct le son originel des Ondes Martenot via des boites d’effets et de modulations sonores externes à l’instrument. Un voyage cosmique aux couleurs cinématographiques, qui côtoie les astres électroniques et caresse des planètes incandescentes. Un magma sonique et sensuel, éclatant, comme en apesanteur.
Suite à sa publication en 2020, la musicienne retraduit sur scène les Chimères du disque, ainsi que d’autres oeuvres pour ondes Martenot augmentées et des pièces de répertoire réarrangées, de Ennio Morriconne à Karen Tanaka. Accompagnée en live par son complice Mathieu Gabry (Snowdrops, The Cry) aux effets et processing en direct, Christine Ott esquisse des compositions qui se vivent comme des bribes de rêves lointains, des chuchotements de spectres, échos de symphonies ayant jadis habité l’instrument, semblant ainsi avoir traversé les âges sans perdre de leur puissance et de leur pertinence.